Alors que les affrontements entre l’opposition et le régime syrien sont menées sur le terrain, une lutte différente a lieu sur Internet.
Au milieu d’un black-out virtuel sur la ville de Hama, des vidéos de citoyens syriens – souvent douteuses et invérifiables – renseignent sur la brutalité de la répression de l’armée syrienne qui s’abat sur la ville depuis le 31 juillet – la veille du début du Ramadan – alors que des campagnes en ligne, lancées sur Facebook et Twitter, visent à attirer l’attention sur les événements en cours en Syrie. Le message est clair : les Syriens souffrent et veulent que le monde en prennent conscience.
Dans le même temps et souvent sur les mêmes réseaux, une histoire différente est écrite, quand des Syriens favorables au régime de Bachar Al Assad prennent position de manière à tourner les récits en leur faveur. Bien qu’il existe des individus qui soient très clairement pro-Assad, l’essentiel des contenus pro- régime apparaît comme très bien coordonné ; c’est le travail de groupes organisés de façon à soutenir le président syrien.
-
L’Armée électronique syrienne
En Tunisie, Ben Ali a promis un Internet plus ouvert un jour seulement avant de se faire destituer. En Egypte, Mubarak, lui, a adopté une stratégie différente : « éteindre » la majorité d’Internet durant une semaine dans l’espoir de désarmer les réseaux activistes. La Syrie a entrepris une autre approche envers Internet dans son ensemble : déverrouiller l’accès aux réseaux sociaux populaires, puis proposer de l’aide aux hackers pro-régime dans l’espoir de contrecarrer les forces d’opposition en ligne.
Comme l’a documenté Helmi Noman, l’Armée électronique syrienne – un groupement de hackers reconnus comme une force positive par Assad lui-même dans un discours le 20 juin dernier – a récemment pris d’assaut certaines pages Facebook telles que celles appartenant aux présidents français Nicolas Sarkozy et américain Barack Obama, ainsi que la page de la présentatrice Oprah Winfrey et celle de ABC News, les submergeant de commentaires tels que « Nous aimons Bashar Al Assad » et « Je vis en Syrie, arrêtez de mentir, il ne se passe rien en Syrie ».
-
Plus récemment, le groupe a pris pour cible le Département du Trésor américain, suite aux plans gouvernementaux imposant de nouvelles sanctions au régime syrien.
En plus d’avoir submergé de messages des pages Facebook, il a également coordonné des tentatives de piratage depuis sa propre page Facebook, et a ‘défacé’ ou désactivé un certain nombre de sites Internet. Même si Facebook a supprimé plusieurs de ces pages, une recherche rapide sur le site en révèle de nouvelles en grande quantité, ce qui laisse voir une réelle détermination.
Bien que cette « armée électronique » ne semble pas avoir une importante présence sur Twitter, en inondant des hashtags populaires avec du contenu sans intérêt, tel que des photographies du paysage syrien, souvent accompagnées d’autres hashtags sans rapport.
Contre-attaque
Bien que l’armée ait semblé régner en ligne durant plus d’un mois, et alors que la balance semble désormais pencher en faveur de l’opposition en Syrie, elle semble également suivre cette tendance en ligne où les cyber activistes syriens et leurs soutiens sont désormais plus forts.
-
Début d’août, les sites de la première dame syrienne Asma Assad et de l’ambassade des Émirats Arabes Unis en Syrie ont été piratés, des actes revendiqués par Anonymous. Le 7 août, le site du ministère syrien de la Défense a également été ciblé et « défacé » de manière élaborée, mettant en avant le drapeau syrien, le logo des Anonymous, et le message suivant:
« A l’attention du peuple syrien : Le monde se tient à vos côtés contre la brutalité du régime de Bashar Al Assad. Sachez que le temps ainsi que l’histoire jouent en votre faveur. Les tyrans utilisent la violence, car ils n’ont rien d’autre ; et plus ils se montrent violents, plus ils démontrent leur fragilité. Nous saluons votre détermination dans votre action non-violente face à la brutalité du régime et nous admirons votre volonté d’obtenir justice, sans aucune rancune à l’égard de vos bourreaux. Tous les tyrans tomberont, et grâce à votre bravoure, Bashar Al Assad sera le prochain. »
« À l’attention de l’Armée syrienne : Vous êtes responsable de la protection du peuple syrien, et quiconque vous ordonne de tuer des femmes, des enfants ainsi que des personnes âgées mérite d’être jugé pour trahison. Aucun ennemi extérieur ne pourrait faire autant de dégâts à la Syrie comparé à ce que Bashar Al Assad a déjà fait. Protégez votre pays, soulevez-vous contre le régime ! – Anonymous »
En guise de représailles, l’Armée syrienne a « défacé » (vandalisé) la page d’accueil de AnonPlus, un réseau social naissant mis en place en réponse à la suspension du compte Anonymous sur le réseau social Google. Le « défacement » mettait en scène plusieurs images de cadavres censés être des « martyrs de l’armée syrienne » ou des membres de l’armée syrienne tués par « l’opposition armée ».
Deux batailles distinctes
Le combat en ligne entre l’armée électronique syrienne et les forces d’opposition ne devrait pas être perçu comme un reflet des événements au sol. Les dernières semaines ont été marquées par une pression croissante d’origine extérieure sur le régime syrien, dont le roi Abdallah d’Arabie Saoudite, qui a rappelé son ambassadeur en Syrie – comme l’ont déjà fait le Koweït et Bahreïn – et des rumeurs de défections de haut rang au sein de l’armée persistent, bien qu’elles demeurent non confirmées.
La guerre des mots en ligne (et le vandalisme sur les sites web) ne sont peut-être pas le reflet de la répression qui a lieu dans les rues, mais ils ne devraient pas non plus être décorrelés : les Syriens qui bataillent en ligne savent que, face à leurs appels à la solidarité, ils ne trouveront pas que du silence.
Jillan York est la directrice du Département International de la Liberté d’Expression à l’Electronic Frontier Foundation à San Francisco. Elle écrit régulièrement pour Al Jazeera au sujet de la liberté d’expression et des libertés sur Internet. Elle écrit également et est membre du conseil d’administration de Global Voices Online.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la ligne éditoriale d’Al Jazeera.
source: http://english.aljazeera.net/indepth/opinion/2011/08/30456997.html
auteur: / Electronic Frontier Foundation
Texte traduit collaborativement par des citoyens du monde entier à l’aide d’EtherPad, un travail que l’Armée électronique syrienne a tenté de saboter, mais Etherpad conserve un historique et les serveurs de Telecomix sont plutôt bien protégés. Fail.
Vous pouvez trouver des informations détaillées sur les affrontements aux url suivantes (en anglais)
- The Emergence of Open and Organized Pro-Government Cyber Attacks in the Middle East: The Case of the Syrian Electronic Army (infowar-monitor.net)
- Syrian Electronic Army: Disruptive Attacks and Hyped Targets (infowar-monitor.net)
- Syrian Electronic Army Defaces 41 Web sites, One UK Government Web site (infowar-monitor.net)
- Attention Foreign Media: The Syrian E-Army Is Marching Your Way (The Atlantic Monthly)
Trackbacks/Pingbacks
[...] Le gouvernement syrien a recruté ses propres hackers afin de promouvoir Assad et son r&eacut… [...]